La Nuit des musées sera douce grâce au «Candy man» japonais
VeveyL’Alimentarium accueille Takahiro Mizuki, adepte de l’amezaiku, tradition séculaire de sculpture de sucettes fantaisie

L’«amezaiku», c’est une course contre la montre pour étirer et façonner la boule de sucre brûlante avant qu’elle ne cristallise. Il faut aussi de la précision dans le doigté et le maniement du ciseau et du pinceau pour donner forme et couleurs à ces sucettes fantaisie. La performance est aussi bluffante que le rendu précis et délicat: des bonbons aux mille et un visages qui finissent par virevolter dans leur emballage avant de procurer un plaisir doucereux à son acheteur.

«Qu’est-ce que j’ai pu me brûler les doigts au début! commente, au téléphone depuis Tokyo, Takahiro Mizuki, adepte de cet art séculaire nippon datant de l’ère Edo (1603-1867). Il faut compter deux minutes de travail pour les figures les plus simples, cinq à six pour les plus complexes.» Une vidéo YouTube le montre dans ses œuvres. Bien plus émouvant, le Japonais de 46 ans sera en démonstration ce samedi soir à l’Alimentarium de Vevey, ouvert dans le cadre de la Nuit des musées. Une première en Suisse.

Ce «candy man» – comme l’a surnommé un journal anglophone japonais – n’a pas fait ses classes d’«amezaiku» auprès de son paternel comme certains des derniers maîtres de la discipline. Cet ancien fonctionnaire, père de deux enfants, a même découvert par hasard cet art il y a quelque dix-sept ans. «Je l’ai vu faire une fois et j’ai voulu m’y essayer. Je me suis quasi invité chez un maître. Il n’y a pas d’école. Je pouvais rester six heures de suite à le regarder, ébahi.» À tel point que le prof finit par le pousser vers la sortie…

Depuis, Takahiro Mizuki vit de son art, qu’il a perfectionné au fil des ans. Il arpente les foires du Japon avec sa boîte en bois, son ciseau spécifique et ses colorants alimentaires, «essentiellement le jaune, le bleu, le rouge, le gris, le brun et le noir». À la demande, il réalise des oiseaux de toutes sortes et tout un riche bestiaire composé de dauphins, de tigres, d’oursons, mais également de personnages de mangas, dont une belle palette se laisse découvrir sur son site Internet (https://www.amezaiku.com/, qui compte une section en français). «Le cygne est très demandé, mais j’ai une préférence pour le dragon, admet-il. Je vends chaque pièce entre 7 et 10 euros (Ndlr: entre 8 et 11 fr.).»

Une popularité en hausse

Takahiro Mizuki a même fini par se faire un petit nom dans l’Empire du Soleil levant, où certaines vieilles traditions se meurent: «Nous ne sommes pas beaucoup à pratiquer cet art folklorique, mais il y a un regain de popularité. Les gens s’y intéressent et j’ai même été sollicité par une télévision. J’ai reçu deux demandes de personnes, l’une d’Australie, l’autre du Canada, désireuses que je leur apprenne.» Les sollicitations à l’étranger sont par ailleurs devenues une habitude: «Je réponds en moyenne quatre fois par an. Après la Suisse, j’irai en Corée du Sud en juillet, puis à Paris, et enfin à Abu Dhabi cet automne. Ce sont de belles opportunités, même si elles ne me rapportent rien financièrement.»

Le Japonais ne s’en cache pas, il ne roule pas sur l’or. Mais l’essentiel n’est pas là: «Je n’arrêterai jamais l’«amezaiku», c’est trop de plaisir. De rencontrer les gens sur les foires pour commencer. J’aime ça, c’est aussi pour cette raison que je n’ai pas de magasin. Mais allez savoir si l’an prochain je ne devrai pas me trouver un autre travail. Ce qui m’importe, c’est que je rends les gens heureux en trois minutes et qu’ils sont prêts à payer pour ça.»

Vevey, Musée de l’Alimentarium, quai Perdonnet 25 Démonstrations d’«amezaiku» par Takahiro Mizuki, ce samedi à 18 h 30, 19 h 30, 20 h 30 et 21 h 30. Gratuit. (24 heures)